Texte de Maroussia Diaz Verbèke : 'Théorie du Cirque, librement inspiré de 'La Théorie du Cinématographe' de Lev Kouléchov (juillet 2010)'
Ce texte a été écrit durant l'été 2010, période de création du spectacle 'De nos jours [Notes On The Circus]' du collectif Ivan Mosjoukine. Je l'ai écrit dans l'intention de mettre au clair des interrogations très présentes à cette époque, pour préciser et affirmer la direction que prenait le travail. Il est resté inachevé, le spectacle ayant, pour moi, pris le relais. A cette époque la lecture du manifeste du cinéaste et théoricien russe Lev Koulechov intitulé 'La Bannière du Cinématographe' * a été particulièrement nourrissante. Koulechov montre dans ce texte comment le cinema est un art à part entière dont la nouveauté repose sur le montage.
J'y ai trouvé des résonances avec le travail du spectacle 'De nos jours [Notes On The Circus]' qui, pour moi, s'est appuyé sur l'hypothèse de la proximité entre le montage cinématographique et la construction d'un spectacle de cirque.
Ce texte reprends le texte de Koulechov*. Il le paraphrase presque. Souvent le terme 'cinema' a été remplace par 'cirque' et la phrase est conservée. De cette manière il a constitué un appui, une aide au niveau du raisonnement, et un guide pour son ton revendicatif. Il a donne l'idée que le cirque comme le cinema avait à se définir, en s'affirmant 'autre'.
Pourtant, le raisonnement de ce texte parfois calqué est partiellement 'faux'. La volonté de Koulechov est de montrer que le cinema est un art diffèrent des autres arts et il est impossible d'utiliser les même arguments pour le cirque, puisque la logique veut que le cirque et le cinema soit eux aussi, deux arts différents. Le cirque ne peut pas se différencier des arts de la même manière que le cinéma (sinon, ce serait du cinema!).
Il semble néanmoins y avoir une proximité entre le cinéma et le cirque, particulièrement en Russie à cette époque. Mais je ne crois plus aujourd'hui, comme au moment de l'écriture de ce texte, que le montage est le propre du cirque… il l'est surement du cinéma, et s'appuyer sur cette notion pour définir le cirque est intéressante, mais pas entièrement satisfaisante…
Ce texte s'appuie également sur des recherches autour du travail du réalisateur russe Sergueï Einsenstein**, qui au début de sa carrière fit plusieurs tentatives de mise en scène de pièces où le cirque et le théâtre étaient mêlés… Ses réflexions sur le rapport théâtre-cirque, et jeu-cirque y sont également paraphrasées.
Consciente de l'aspect flou et désorganisé (malgré la tentative de chapitres), et du caractère réellement inachevé de ce texte, je le place ici, dans ce contexte de réunion de recherches théoriques et personnelles sur la question de la spécificité du cirque, comme un essai, ((((surement 'raté' (et même peut être faux?), mais à valeur de)))) une tentative...
Le partage ici en tant que 'notes' (ce qui est surement la meilleure manière d'appréhender ce texte) permet de sentir la présence d'interrogations qui sont encore actives aujourd'hui, mais de manière différentes...
A suivre donc…
*Texte original emprunté à la bibliothèque du cinema Francois Truffaut Paris Les Halles; Lev Koulechov. , La bannière du cinématographe, 1920, in L'Art du cinéma, Editions L'Age d'homme, 1994.
** je n'ai plus les références des livres lus sur la question...
Biographie exaustive de Koulechov (sources http://www.cineclubdecaen.com/realisat/koulechov/koulechov.htm)
Lev Koulechov est l’un des fondateurs de la cinématographie soviétique.
Né à Tambov le 1er janvier 1899, il s’installe à Moscou après la mort de son père. Il étudie la peinture à l’école des Beaux-Arts.
En 1917, il est décorateur, assistant d’Evgueni Bauer et acteur pour le film A la recherche du bonheur. La même année, il réalise son premier film, Le projet de l’ingénieur Pright, « premier film russe réalisé selon la conception du montage, avec des images spécialement élaborées et assemblées selon les lois du montage » (L.Koulechov, Entretien enregistré à Moscou en 1965).
Fin 1919, il crée à l’Institut technique du cinéma un cours de rattrapage pour les élèves refusés. Ses étonnants succès lui valent l’autorisation de fonder un collectif, « le laboratoire Koulechov », dont feront partie l’actrice Aleksandra Khokhlova et de futurs cinéastes, dont Eisenstein, Vsevolod Poudovkine, Boris Barnet, Leonid Obolenski, Serge Komarov, Vladimir Foghel, A.Reikh, Mikhaïl Doller, Valeri Inkijinov. A vingt et un ans, L.Koulechov est le plus jeune et le plus brillant professeur de cinéma.
En 1920 il tourne avec ses élèves un « film policier révolutionnaire », Sur le Front rouge (réalisé sur le front occidental lors de la lutte contre les Polonais blancs) qui mêle séquences documentaires et scènes de fiction.
Technicien et théoricien, il cherche, par l’expérience, à dégager les « lois » de l’art cinématographique à travers les ressources du montage. Il approfondit son expérience, faite en 1917, de ce qui fut appelé « l’effet Koulechov », c’est-à-dire le montage d’une même image de l’acteur Mosjoukine dans des combinaisons diverses (avec une assiette de soupe, une porte de prison, des images de situation amoureuse). L’expression de l’acteur semblait radicalement différente dans chaque situation, et Koulechov en vint à considérer le montage comme l’essentiel du travail du réalisateur. Il a proposé deux types de montages :
• Le montage réflexe qui influe sur les sentiments, l'affectif. C'est un montage de plan compris dans le déroulement logique de l'action mais produisant un effet de réflexe chez le spectateur.
• Le montage des attractions qui va provoquer l'apparition d'une idée, jouer avec l'intellect. On assiste à un dépassement du déroulement logique de l'action par une collision de deux plans de nature différente.
L’acteur lui-même doit jouer avec la précision d’une marionnette (« à toute émotion correspond un mouvement du corps »), et le cinéaste opére le «montage» de l’acteur. L’artiste de cinéma est un constructeur, thèse qui valut à Koulechov l’accusation de « formalisme ». Le collectif se disperse en 1926.
Koulechov réalise alors son premier chef-d’œuvre Dura Lex, remarquable par la rigueur du découpage et le jeu des acteurs.
(…)
Koulechov n’obtint pas la reconnaissance méritée : souvent contraint à l’inaction, il se voua surtout à l’enseignement, où il finit sa carrière, à partir de 1944 comme directeur du VGIK (Institut national du cinéma). Il meurt le 30 mars 1970 à Moscou.